Rapport annuel de la présidence 2012-2013

Jean-Michel Dayer, président
14 novembre 2013

 

La Société Académique de Genève vit de plus belle après 125 ans !

Depuis 1888, 51 présidents et 7 trésoriers se sont succédé au comité de la Société académique de Genève (SACAD). Poursuivre le but de la Société qu’avaient très clairement exprimé les premiers membres et qui, 125 ans après, demeure le même: « contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement de tous les domaines et particulièrement de l’Université (…) et (…) grouper tous les amis des études supérieures à Genève» demeure sa priorité et son moto.

Mais, bien sûr, pas de soutien constructif sans de solides finances ! Le capital, de 17 000 francs au commencement, passe à 38 000 en 1891; à cette date, la SACAD compte 445 membres. Ce nombre, hélas !, n’a pas beaucoup augmenté, alors qu’aujourd’hui, la Société académique gère une cagnotte qui avoisine les 50 millions. C’est là, d’ailleurs, une sempiternelle lamentation: il n’est pas un rapport annuel de président qui n’encourage chaleureusement à devenir membre et n’incite aux dons et aux legs. Autrefois, des sociétés d’étudiants, telles Zofingue et Belles-Lettres, versaient à notre Société une partie des bénéfices de leurs soirées littéraires et musicales; de plus, il fut une époque où un certain nombre de professeurs, issus de familles aisées, pouvaient se passer de traitement. Mais ce temps est désormais révolu…

En 1988, dans son message à l’occasion du 100ème anniversaire de la SACAD, Gérard de Haller, alors président, évoquant le climat favorable de 1888, nous disait: « Actuellement l’enthousiasme se tempère, la confiance fait place au doute, l’optimisme cède le pas à la peur (…). L’avancée fulgurante des technologies nouvelles a conduit la société de la fin du XXème siècle dans des espaces inexplorés et inquiétants». Des propos adoucis dans la suite du texte lorsqu’il rappelle l’importance des sciences humaines pour maîtriser les progrès, l’essor des fondations et du mécénat et le rayonnement politique, culturel et scientifique de Genève.

Et pourtant… Vingt-cinq ans plus tard, peut-on être satisfaits ? Tout a tellement changé et certains aspects de la vie académique et civile ont été bouleversés de façon impressionnante et profonde. Voici quelques exemples, pour ne citer que les plus prégnants. D’abord, nous sommes aujourd’hui confrontés à l’instantanéité de la communication. Le professeur arrivant au cours, ou le médecin entrant dans une salle de malades, doit faire face à toutes les nouvelles informations que les étudiants, ou les patients (que l’on appelle maintenant clients !), ont pu collecter quelques minutes plus tôt sur le web. Cela a induit des réformes importantes de l’enseignement: on doit maintenant « apprendre à apprendre ». Il n’y a plus de maîtres, mais des compagnons d’apprentissage… comme au Moyen-Âge ! Le rapport éducatif s’est transformé, il s’est désacralisé: de prescripteur, le maître est devenu tuteur. Ce dernier doit justifier sa valeur ajoutée autrement que par son seul savoir pratiquement accessible par tous sur internet. Les professeurs sont, en quelque sorte, en concurrence avec la bibliothèque universelle qu’est le web. Le cours en ligne ouvert et massif (CLOM), ouvert à tous (en anglais: massive open online course, MOOC), constitue un exemple vivant de formation ouverte et à distance en télé-enseignement. La Cité, quant à elle, est dans la même situation que l’étudiant: elle est désormais connectée au monde entier et n’est plus captive de la science de la seule Académie qui voit donc son territoire se restreindre.

L’instantanéité entraîne aussi un relent de culpabilité : si l’on n’est pas toujours prêt à répondre aux moindres messages, même insignifiants, on risque de se sentir dans son tort. “Ensuite, le fait que toute activité humaine soit passée au crible de l’analyse via l’informatique, s’il constitue une évidente avancée et comporte beaucoup d’aspects positifs, a aussi entraîné le « donnant donnant » où tout échange devient payant et peut perdre de sa spontanéité. On se croise mais on ne s’arrête pas. Troisièmement, la liberté individuelle et la transparence sociale sont un dilemme ; en revanche, l’éthique a acquis une importance plus grande. Et enfin, la prise de conscience aigüe et primordiale des menaces sur l’écosystème qui, il y a vingt-cinq ans, n’était qu’à ses balbutiements, est de haute actualité chez les jeunes d’aujourd’hui.

Face à ces nombreuses évolutions, la SACAD a su réadapter constamment ses procédures et juger de façon efficace et avec la meilleure sagesse possible les requêtes qui lui ont été soumises. Elle n’a pas négligé les nouveaux moyens de communication, j’en veux pour preuve notamment la création d’un site internet.

Sa vitalité est due essentiellement à celle de ses présidents et de ses membres qui, issus aussi bien de l’Université que de la Cité, proviennent de différents horizons. Tous ont œuvré bénévolement à sa bonne marche.

Grâce à un effort commun d’un groupe de travail, une brochure de haute teneur a pu être produite en partenariat avec les Éditions Georg (Médecine et Hygiène, département Livres). Elle sera présentée lors de l’assemblée générale.

Cette brochure a donc pour objectif de retracer quelques événements et réalisations importants – il a fallu faire une sélection ! – au cours de ce quart de siècle écoulé et donner la parole, d’une part, à certains bénéficiaires et, d’autre part, à des responsables de commissions. Il montre la beauté et la diversité des activités de la SACAD qui recueille des requêtes de toutes les facultés de l’Université de Genève. Il convient de remercier vivement ici les contributeurs des articles que sont Alain Dufour, Nicolas Zufferey, Alexandre Vanautgærden, François Dermange et William Ossipow, Philippe Chastonay, Alexis Keller et Andrea Bianchi, Bénédict de Candolle, Patrik Vuilleumier, Frédéric Naville, Stéphane Udry et André Maeder, et enfin Jaques Naef, lequel nous invite au 125ème anniversaire de La Linnaea en juillet 2014.

Quels ont été les activités et points principaux durant l’année 2012-2014 ?

1) Relève universitaire: suite à la création récente de la « Bourse post-doctorale Eugène Choisy et Charles Borgeaud de la Société académique de Genève », il a été convenu que, pour la première période de deux ans (2013-2015), la Faculté des lettres serait bénéficiaire. Huit dossiers d’excellente valeur ont été déposés et analysés de façon rigoureuse par la commission composée de Nicolas Zufferey (président), Patrizia Lombardo, Gabriel Aubert et Jean-Michel Dayer. Le meilleur dossier a été celui de M. Damiano Matasci, titulaire d’un doctorat conjoint de L’École des hautes études en sciences sociales, Paris, et de l’Université de Genève : doctorat ès lettres, thèse en histoire. Son sujet est « L’école républicaine et l’étranger. Acteurs et espaces de l’internationalisation de la «réforme scolaire » en France, 1870-première moitié de XXe siècle».

Rappelons que la Bourse post-doctorale «Eugène Choisy et Charles Borgeaud de la Société académique de Genève » est mise à disposition des facultés de sciences humaines. Cette bourse est destinée à soutenir, dans une phase cruciale de leur carrière, les jeunes chercheur-ses qui par leur recherche ont fait la preuve de leur excellence, afin de leur donner l’occasion d’étoffer leur dossier scientifique pour qu’ils puissent ensuite postuler à des postes académiques. Le soutien est de 60’000 CHF/an pour un maximum de deux ans par bénéficiaire. Le candidat doit être en possession d’une thèse acceptée par le Conseil décanal ou les instances facultaires compétentes ; l’âge limite est de 30 ans avec dérogations possibles dans les cas exceptionnels. L’annonce du concours est faite par le doyen de la faculté concernée avant le 31 décembre. Le dépôt des candidatures est fixé au 31 mars et soumis à la commission donnant sa décision le 31 mai pour entrer en fonction le 1er octobre.

2) Jardin de la Linnaea: Le 125ème anniversaire de la Linnaea aura lieu à Bourg-St-Pierre (VS) du 3 au 6 juillet 2014. L’événement est en préparation sous la direction de Jaques Naef, président de la commission. L’événement se déroulera sur 4 journées et comportera: l’Assemblée générale et la journée technique de HBH (Hortus Botanicus Helveticus, Association suisse des jardins botaniques); une journée avec un colloque, plus technique, destiné aux horticulteurs spécialistes des rocailles suisses et aux invités étrangers; un colloque scientifique tout public comprenant entre 6 et 10 intervenants pour des exposés; le 4ème jour sera consacré à des excursions botaniques tout public dans les environs de Bourg-St-Pierre, par groupes sous l’égide de guides connaissant la région. Il faut relever qu’il y aura une généreuse participation de l’Etat du Valais pour cet événement en plus de son aide annuelle. Il faut aussi relever l’excellente collaboration faisant suite à la convention entre le Jardin Alpin de la Linnaea et le Conservatoire et jardin botaniques de la Ville de Genève, renforcée par la venue de P.A. Loizeau dans la commission de La Linnaea. Venez nombreux !

3) Base de données des attributions par leurs objectifs: il a été constitué une base de données décrivant non seulement, comme dans le passé, le pourcentage de ce qui a été attribué aux sciences de l’homme et de la société, de la médecine et des sciences exactes et naturelles, mais plus précisément ce qui a été attribué à différentes activités, en pourcentage du total attribué de CHF 1’351 368.- (entre parenthèses les % 2011-2012):

–    Publications: 4% (2%)
–    Aide pour fin de thèses: 13% (11%)
–    Frais de participation à des conférences, colloques, symposium: 13% (14%)
–    Organisation de conférences, colloques, symposium: 16% (16%)
–    Instruments, matériel: 24% (45%)
–    Séjours professionnels: 11% (5%)
–    Projets spéciaux: 19% (5%)

Il faut prendre ces données en tenant compte, comme déjà dit, des règles d’attribution des différents donateurs. Le Fonds pour la recherche pour les maladies neurodégénératives (FOREMANE) n’est pas compris dans ce pourcentage.

4) Départ d’un membre du comité: nous devons regretter le départ de Klaus Scherer dont la décision de quitter le comité est due à ses nombreuses tâches qui ne lui permettent plus d’être en mesure d’assumer son mandat au sein du comité. Le président fait part à K. Scherer de sa tristesse et de son regret eu égard à la grande qualité de ses expertises. Il le remercie vivement pour sa collaboration. Les membres du comité le remercient aussi et espèrent garder un contact avec lui.

5) Proposition d’un nouveau membre du comité: suite au départ de K. Scherer, le professeur David Sander sera présenté à l’AG 2013 pour le remplacer. Il est, entre autres, directeur du Centre Interfacultaire en Sciences Affectives (CISA) et reprend après K. Scherer le Pôle de recherche national des Sciences affectives. M. D. Sander est français, a fait ses études à Paris et à Lyon et a rejoint, dès 2002, l’Université de Genève.

6) La composition des commissions, les informations pour les requérants et les procédures se trouvent sur le site: (http://societe.academique.unige.ch/). Nous relevons seulement les changements suivants:

  • Commission du Fonds F. Firmenich et Ph. Chuit : M. Jérôme Lacour (chimie) remplace M. Peter Kündig;
  • Commission pour la biologie: MM. Jean-Claude Martinou (biologie) et Thanos D. Halazonetis (biochimie) remplacent MM. Pierre Spierer et Volker Manhert;
  • Commission du Fonds Marc Pictet: M. Jean-Michel Dayer remplace M. Pierre Buri.

7) L’Association de Genève des Fondations Académiques (AGFA) a édité les principes de collaboration entre ses membres et les Hautes Ecoles Universitaires. Ceux-ci ont été adoptés lors de la 41e réunion de l’AGFA du 2 mai 2012. Il s’agit de la transparence du financement, de l’indépendance de la recherche, de la responsabilité envers les collaborateurs, de la prise en compte des coûts de la recherche et de l’approbation de la direction de l’institution requérante.

8) Quelques autres événements ou subventions:

– Prix Gillet Voyage 2012 : le 1er prix a été attribué à Mme V. Pawlowska pour son projet intitulé Le double défi de la médecine tibétaine. Elle espère ainsi contribuer à sauvegarder la médecine tibétaine deux fois millénaires et éviter la sinisation progressive de cette médecine comme c’est le cas pour la langue, la religion et la culture en général selon les directives imposées par Pékin. Le 2ème prix a été attribué Mme A. de Saussure pour son projet intitulé Antichoc. La lauréate, qui envisage des études en génie civil à l’EPFL, souhaite entreprendre un voyage au Japon et en Chine lui permettant de « découvrir l’état actuel des techniques utilisées pour lutter contre les risques sismiques et de se sensibiliser aux futures technologies qui permettront de rendre les bâtiments de demain plus sûrs ». Le 3ème prix a été attribué M. M. Liengme dont le projet est intitulé A la découverte de la production musicale en Jamaïque.

– Nous avons participé à l’organisation de nombreux colloques, en particulier à des colloques à la mémoire de Rousseau. Nous continuons de soutenir substantiellement la Bibliothèque de la Ville de Genève dans le cadre d’acquisition de manuscrits et de livres précieux. Comme autres exemples de subventions spéciales, citons celle pour un projet de publication de poésie haïtienne et d’une anthologie critique du XVIIIe siècle à nos jours; celle pour la mise en ligne d’une base de données rassemblant environ 1500 lettres de malades écrites au Dr Tissot entre 1760 et 1797; celle pour la cryopréservation et la redérivation d’animaux transgénique dans le cadre de la nouvelle animalerie du CMU; celle pour la génération de tolérance après transplantation d’îlots pancréatiques et enfin pour une campagne de mesures géophysiques dans la Baie de Kiladha en Grèce. Quelle diversité !

– Nous remercions Mme Isabelle Cramer, archiviste de l’IHEID d’avoir retrouvé une correspondance entre son directeur, le professeur W. Rappard, et la Société académique de Genève ainsi que des documents y relatifs datant de 1930 à 1944. Il s’agit d’un intéressant dossier qui se trouvait parmi les archives William Rappard et qui est maintenant en notre possession.

– Assemblée générale 2013:

   .  Conférence: L’an dernier Monsieur Philippe Roger, Professeur au CNRS et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris, a donné un remarquable exposé intitulé: Littérature et sacrifice au siècle des lumières. Cette année le professeur honoraire André Maeder, astronome, donnera la conférence annuelle sur le thème: Les conditions pour la vie sur les planètes.

   . Renouvellement du comité: Les membres suivants sont proposés à l’assemblée générale du 14 novembre 2013: Mmes Monique Caillat, Nicole Fatio et Patrizia Lombardo; MM. Renaud Gagnebin, Antoine Gautier, Bertrand Kiefer et Frédéric Naville.

 . Renouvellement des statuts: au vu de l’évolution des modalités de fonctionnement de la SACAD, un rafraîchissement des statuts a été fait avec l’aide précieuse de Bénédict de Candolle. Ces modifications seront proposées à l’AG pour approbation.

   . Remerciements: Grâce à notre trésorier Renaud Gagnebin et à sa judicieuse gestion ainsi qu’à notre administratrice Caroline Baltzinger, toujours perspicace, et au dévouement des membres du comité, toutes les activités ont pu se dérouler de façon harmonieuse au cours de cette année académique.

L’avenir de la Société est inébranlable! Notre souhait constant est que les étudiants, pivots des débuts de la SACAD, trouvent en leurs descendants de nouveaux mécènes. Et je sacrifierai à la tradition: un appel est fait à toutes et à tous à devenir membres et à nous aider ainsi à répondre aux nombreuses et excellentes requêtes qui nous sont soumises annuellement ! J’espère que la brochure fêtant le 125ème anniversaire de notre Société vous convaincra que les dons reçus ont hautement bénéficié à notre communauté universitaire.